mercredi 27 mai 2009

Les Mac-Auliffe et les thermes réunionnais


Une famille dans les stations thermales de La Réunion



A l’heure où la vocation thermale de Cilaos, pourtant emblématique du cirque, semble menacée, revenons sur une famille qui a profondément marqué les Cilaosiens et dont l’arrivée dans ce village doit tout aux eaux thermales.


Jean-Marie Mac Auliffe est né à Rennes le 8 mars 1837 d’un père commerçant de Caen. C’est le descendant d’une famille irlandaise de Cork établie en France depuis le XVIIème siècle, à l’époque de l’exil du roi d’Ecosse et d’Angleterre Jacques.


Un marin dans l’Océan Indien


Après avoir obtenu son doctorat de Médecine à l’Université de Paris, Jean-Marie Mac Auliffe devient médecin de la Marine et s’embarque pour découvrir le vaste monde. Il débarque pour le première fois à La Réunion en 1860 et rencontre ainsi sa première épouse : Anna Victorine Trollé. Le père d’Anna est un médecin réputé dans l’île, qui a effectué les premières recherches scientifiques sur les vertus thérapeutiques des eaux thermales du cirque de Cilaos, au centre de l’île. C’est ainsi que Jean-Marie Mac Auliffe se rend lui-même à Cilaos en touriste en 1863. La région lui plaît beaucoup.
Cependant, pour les besoins de sa carrière, Jean-Marie Mac Auliffe reprend la mer. Jusqu’en 1870, Jean-Marie Mac Auliffe occupe le poste très prestigieux de médecin personnel du Sultan de Zanzibar et mène grand train au sein de la classe dominante. Pourtant, lorsqu’il apprend la déclaration de la Guerre franco-prussienne en 1870, il n’hésite pas à tout quitter pour se porter au secours de son pays. Mais il arrive en France après la défaite de Sedan et retourne dans l’Océan Indien.
Il voyage alors entre Mayotte, les Comores, Nossi-Bé (au nord de Madagascar) et les Seychelles. A Noël 1873, il quitte Mahé des Seychelles pour gagner Mayotte. A cause de l’incompréhension entre les matelots d’origines différentes, le navire à vapeur fait naufrage sur l’îlot Alphonse, dans le sud de l’archipel des Seychelles. A cette période, cette petite île est inhabitée. Jean-Marie Mac Auliffe et ses compagnons d’infortune sont contraints de jouer les Robinson pendant 27 jours avant d’être secourus par un aviso de la Marine française commandé par l’officier breton Penfentenyo. Jean-Marie Mac Auliffe avoue que c’est l’amour de sa famille et l’espoir de la revoir qui l’ont empêché de sombrer dans le découragement durant ce mois passé à l’écart du monde. Car il s’était préparé au pire, ainsi qu’il l’écrit plus tard à son épouse : « En prévision d’un long séjour sur l’île, j’avais voulu qu’on se mît tout d’abord à la dernière ration, mais je fus accusé de pessimisme.(…) Je défrichai environ cent mètres carrés de terrain et, après avoir bien remué le sol, j’y semai les graines que j’avais apportées : radis, haricots, pistaches, embrevades, voèmes. L’on riait de moi, mais je laissais faire et continuais ma besogne. »
Régulièrement durant cette période de voyage dans les îles, le médecin va se refaire une santé aux thermes de Cilaos à La Réunion.


Le médecin des cirques réunionnais


En 1877, Jean-Marie Mac Auliffe se fixe définitivement à La Réunion avec sa petite famille. Après avoir souffert du climat sur les littoraux des petites îles de l’Océan Indien, le médecin devient chef du service de santé de l’hôpital militaire de Hell-Bourg, au cœur du cirque de Salazie. Il y retrouve son beau-père, le docteur Trollé. Jean-Marie Mac Auliffe est très apprécié dans le village, ainsi qu’en témoigne un voyageur mauricien de passage dans le cirque en 1877 : « (le Docteur Mac Auliffe) est la providence des pauvres de Hell-Bourg et l’ami dévoué de tous les voyageurs qui ont besoin de l’assistance précieuse de son diagnostique sûr et intelligent. » Cependant, quelques jours plus tard, le même voyageur a la douleur d’assister à la mort en couches de Madame Mac Auliffe, le 15 octobre : « C’est vraiment navrant que le spectacle de la mort en certaines circonstances. Deux docteurs, deux médecins réputés pour leur science, l’un le père, l’autre le mari, ne réussissent pas à arracher au trépas la digne créature qui est l’objet de leur mutuelle adoration. »
Malade et affaibli par la vie mouvementée qu’il a mené dans les petites îles, le médecin cesse d’exercer en 1879 et demande sa mise à la retraite en 1881. Il se remarie avec Marie Georgina Bertho et quitte le cirque de Salazie pour celui de Cilaos en 1899. En 1900 il devient médecin résident de l’établissement thermal. Là encore, tous les habitants du cirque apprennent rapidement à l’apprécier et sa réputation de sagesse et de bonté s’accroît encore. Jean-Marie Mac Auliffe s’investit tout entier pour le cirque de Cilaos car en plus de pratiquer la médecine, il tente de développer la vie économique de ce cirque encore très isolé au début du XXème siècle. Il tente l’introduction du mûrier et de ver à soie pour établir une magnanerie, sans grand succès malheureusement. En 1902, il fait paraître Cilaos pittoresque et thermal, guide médical des eaux thermales, pour assurer la promotion du cirque auprès de tous les militaires et colons des îles voisines, qui vont ordinairement se faire soigner à grands frais dans les stations thermales d’Europe. Cet ouvrage rencontre un grand succès. C’est également le première étude minutieuse sur tous les aspects de Cialos (histoire, géographie, démographie, météorologie etc…) C’est ainsi que se crée, au fil des ans, la légende du « bon docteur Mac Auliffe », le bienfaiteur de Cilaos, encore très vive en ce début de XXIème siècle pour le centenaire de sa mort.
Jean-Marie Mac Auliffe meurt en effet le 21 septembre 1908 et il est enterré à Cilaos. Sur sa tombe on peut lire « Cilaos for ever », selon ses propres mots, tirés de son ouvrage : « Il paraît qu’il était dans ma destinée de revenir dans ces lieux qui m’avaient tant charmé ; peut-être y finirai-je mes jours : Cilaos for ever. »


La postérité des Mac Auliffe à La Réunion, une famille très respectée


De son premier mariage, Jean-Marie Mac Auliffe a eu cinq enfants. Plusieurs d’entre eux ont durablement marqué l’île de La Réunion.
Sa première fille, Jeanne, née en 1864, épouse un pharmacien qui participe à la campagne militaire pour la colonisation de Madagascar, où s’installeront nombre de Réunionnais.
Sa seconde fille, Claire, donne naissance à un célèbre maire de Saint-Denis de l’Entre-Deux-Guerres : Jean Chatel.
Sa troisième fille, Anna, deviendra la belle-mère du maire de Sainte-Marie (Vincent Boyer de la Giroday), lequel est aussi le fondateur du Crédit Agricole à La Réunion, actuellement la plus importante banque de l’île.
Ensuite vient Victor, né en 1870 à Zanzibar, dont la célébrité vient bien souvent éclipser le destin du papa ! Médecin militaire comme son père, il exerce à Madagascar pendant la guerre de colonisation puis s’installe à son compte à Saint-Denis, où il acquiert la réputation de médecin des pauvres. Enseignant la chirurgie à l’hôpital colonial, il s’y fait également fort apprécier de ses malades comme de ses confrères. A son retour de la Grande Guerre en Europe, il lutte courageusement contre l’épidémie de grippe espagnole qui ravage l’île en 1919. Décoré deux fois par l’armée, il obtient l’érection d’un buste à son effigie dans la cour de l’hôpital militaire de St Denis trois ans après sa mort, pour services rendus à la population. Une des principales artères de la ville porte également son nom.
La petite dernière, Angélique dite Angèle, née en 1877 à Hell-Bourg, perd sa mère à la naissance. D’une santé fragile, elle ne se marie pas et reste toujours auprès de son père, jusqu’à sa mort en 1909. Comme Jean-Marie Mac Auliffe, son souvenir reste très présent à Cilaos où elle a joué un rôle primordial en secondant son père dans ses tentatives de développement économique du cirque. C’est elle en effet qui enseigne aux orphelines des religieuses l’art de la broderie, donnant ainsi naissance aux fameux jours de Cilaos, qui font aujourd’hui la réputation du cirque dans le monde entier et la fierté de ses habitants. La technique des jours, d’abord adaptée des jours anciens classiques, a peu à peu évolué grâce à la fantaisie et la dextérité des brodeuses de Cilaos jusqu’à donner naissance à une broderie originale.

1 commentaire:

  1. Comme c'est agréable de relire ces lignes après avoir vu les lieux de ses propres yeux (:-o)

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