mercredi 25 mars 2009

Les Jardins d'acclimatation

Le Jardin de Pamplemousses et le Jardin du Roy





Aux îles Mascareignes, le climat exceptionnel pousse très tôt les hommes à chercher à cultiver de nouvelles plantes. Sous l'administration de la Compagnie des Indes, l'introduction et l'acclimatation de nouvelles plantes doit répondre à un souci économique : la Compagnie cherche à rentabiliser ses îles en leur imposant des cultures spéculatives comme le café. Ensuite, lorsque les îles passent sous administration royale, les recherches botaniques se perpétuent, aussi bien pour découvrir de nouvelles plantes destinées à l'agriculture vivrière que pour acclimater des plantes cultivées pour l'exportation.

C'est dans ce contexte que sont créés, à peu près en même temps, les deux grands jardins d'acclimatation des Mascareignes : le Jardin du Roy à Saint-Denis de La Réunion -aujourd'hui Jardin de l'Etat - et le fameux Jardin de Pamplemousses à l'île Maurice.

Le Jardin du Roy a été créé entre 1767 et 1773, c'est-à-dire assez tardivement, lorsque Pierre Poivre était Intendant des Mascareignes. Ce jardin était destiné à acclimater aussi bien des plantes vivrières -comme la pomme de terre et de très nombreux fruits - puisque l'île Bourbon devait ravitailler les navires en route pour l'Inde, que des plantes cultivées pour l'exportation, au premier rang desquelles les épices. Le jardin est donc au départ comme une sorte de banque des plantes, où l'on prend soin des pousses et graines apportées par bateau, le plus souvent d'Asie, où l'on multiplie les plants afin de les distribuer aux habitants. C'est par ce jardin que sont arrivées des plantes aujourd'hui très communes dans l'île comme le litchi, l'arbre à pain, l'avocatier ou le manguier.

Le Jardin de Pamplemousses est créé exactement au même moment car lui aussi doit beaucoup au lyonnais Pierre Poivre. Plus vaste que son voisin réunionnais, le jardin mauricien est par excellence le jardin d'acclimatation des épices. En effet, depuis le milieu du XVIIIème siècle, Pierre Poivre cherche à briser le monopole absolu des Hollandais sur des épices telles que la noix de muscade ou le clou de girofle, qui ne poussent que dans de petites îles indonésiennes. Ces plantes, qui rapportent tant d'argent à la Compagnie des Indes hollandaise, sont jalousement gardées. Cependant, en 1750, il parvient à voler quelques plants en Inde et à Timor et rapporte son précieux butin à l'Ile de France. Mais le conservateur du jardin botanique royal de Port-Louis, jaloux du succès de Pierre Poivre, laisse volontairement mourir les précieux plants et les épices ne sont pas introduites durablement dans l'île. Il faut donc attendre que Pierre Poivre devienne Intendant des Mascareignes - donc gouverneur - pour qu'il crée un jardin privé à Pamplemousses, non loin de Port-Louis, afin de reprendre ses tentatives d'acclimatation. En 1770 il reçoit enfin quelques centaines de pieds de muscadiers et girofliers, ainsi que des milliers de noix et de graines, qu'il s'empresse de faire prospérer dans son jardin botanique. Et l'acclimatation de ces épices est excellente, si bien que la première vraie récolte de clous de girofle a lieu en 1777 - un peu plus tard pour les noix de muscade -, le monopole hollandais est définitivement brisé et Pierre Poivre est anobli. Cet amoureux des plantes introduit aussi la canelle ou le poivre, par exemple. C'est également lui qui créé le Jardin du Roy, à Mahé des Seychelles, dans le même but et avec le même succès qu'aux Mascareignes. A son départ de l'Ile-de-France, en 1773, il vend le Jardin de Pamplemousses au Roi. Le jardin continue de fonctionner selon le même principe : acclimatation et multiplication de plantes exotiques, afin de les distribuer aux habitants.

Aujourd'hui, les deux jardins constituent encore les plus vastes et les plus beaux jardins publics de leurs îles respectives, véritables conservatoires botaniques. Mais tous deux deux sont sont en mauvais état, de nombreux arbres centenaires ou pluri-centenaires sont menacés. A présent c'est l'île de Zanzibar qui cultive la majorité des clous de girolfle que nous consommons. C'est une des conséquences de la détermination de Pierre Poivre à casser le monopole des îles indonésiennes.

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