samedi 21 février 2009

Navigateurs arabes et persans dans les îles suite

boutre à Malindi

Sciences et techniques de navigation


La science nautique arabe reste célèbre jusqu'à nos jours. Elle est pour beaucoup l'héritière de la navigation dans l'Océan Indien car les Arabes se sont approprié le savoir des Perses et des Indiens, qu'ils ont complété en Méditerranée du savoir grec. Les Perses transmettent aux Arabes les tables astronomiques qu'ils ont eux-mêmes hérité des Indiens. Au XIIIème siècle, le savant persan Zakariya al-Qazwini rédige un dictionnaire géographique et surtout un ouvrage de cosmographie très complet dans lequel il regroupe toutes les connaissances philosophiques, astronomiques, historiques et géographiques de son époque. Vers l'an mil, l'Arabe al-Biruni écrit quant à lui un traité dans lequel il explique le mouvement des étoiles par la rotation de la Terre autour du Soleil.

D'un point de vue plus pratique, les Arabes et Persans étudient les équinoxes, perfectionnent l'astrolabe et le cadran simple de Ptolémée. L'astrolabe plan permet, grâce aux étoiles, de déterminer l'heure, la direction de La Mecque et la position de l'utilisateur. Inventés entre le VIIIème et le Xème siècles, les astrolabes sont des instruments sophistiqués qui coutent très cher et ne sont pas souvent à disposition des marins. L'astrolabe planisphérique représente les étoiles de manière externe, comme si l'on se plaçait au-dessus du ciel. Ces astrolabes sont construits en Iran et en Iraq jusqu'au XVIème siècle, période à laquelle les Musulmans d'Inde du Nord deviennent plus doués. La boussole apparaît vers 1230 mais elle est moins utilisée que dans la Méditerranée. Les géographes tracent des cartes et portulans de plus en plus complets même si de grandes zones demeurent inconnues. Ils divisent l'Océan Indien en sept mers. Pourtant, cette science reste souvent coupée du savoir expérimental des marins. Savants et marins ne se communiquent pas leurs connaissances mutuelles.

Les marins fondent tout leur savoir sur l'expérience. Ils utilisent peu d'instruments et apprennent l'art de la navigation en récitant des poèmes nautiques ou en apprenant les conseils d'Ibn Majid ou de Sulayman al-Mahri, grands capitaines respectivement du XVème et XVIème siècles. Les navigateurs utilisent presque uniquement la khashaba, une planche de bois trouée à laquelle se trouve attachée une ficelle nouée qui permet de déterminer la hauteur des étoiles et donc la lattitude. Les marins pratiquent en effet plus que tout la navigation astronomique. Ils prennent trois étoiles comme amers et se reportent toujours à elles. Cette méthode peut être très aléatoire. Il est très difficile au Moyen-Age de tenir un cap sur une longue distance. A l'époque d'Ibn Majid on navigue avec trois degrés d'erreur tandis qu'aujourd'hui on s'oriente avec seulement un demi degré d'erreur.

Dans l'Océan Indien il faut aussi tenir compte des moussons. Les marins utilisent donc un calendrier spécifique de 365 jours et non le calendrier lunaire musulman totalement inadapté en l'occurrence. Leur calendrier commence le 20 novembre mais aucune année n'étant bissextile, le décalage est de trois mois au bout de 400 ans. La mousson d'hiver permet de descendre vers Zanzibar et Kilwa tandis que la mousson d'été fait remonter vers la Mer Rouge.

Les techniques navales utilisées à l'époque ont encore cours de nos jours dans un certain nombre de ports et d'îles de l'Océan Indien, notamment à Zanzibar où subsistent quelques boutres traditionnels. Les Arabes utilisent des boutres réalisés en bois de teck ou de cocotier et en fibre de coco. Les voiles sont en fibre de coco ou en nattes de palmes et le met en cocotier. Le gouvernail d'étambot n'apparaît qu'au XIIIème siècle. Chaque planche du bateau est assemblée aux autres par une longue corde de fibre végétale. Il n'y aucun clou. Ces embarcations "cousues" sont faciles et à réparer et, surtout, leur souplesse les rend moins facilement cassables en cas de contact avec les récifs coralliens. La coque est enduite d'huile de poisson ou de palme, ou de graisse de mouton, pour la rendre parfaitement imperméable et surtout la protéger contre les tarets, ces mollusques marins qui rongent le bois. Ensuite on ajoute du jus de dattes pour lutter contre l'attaque du calcium. La voile trapézoïdale permet aux boutres de parcourir en moyenne 73 km par jour mais après perfectionnement de la voilure et avec une bonne gestion du vent, les navigateurs pouvaient atteindre 125 km par jour à partir du XIIème siècle.

On évaluait le tonnage des navires en sacs de dattes de 70 kg ou en sacs de riz de 100 kg. Les plus utilisés, les sambuqs, pouvaient transporter 500 sacs de riz.

Les marins et les savants ne mettant pas leurs connaissances en commun, il en résulte le développement de nombreuses légendes. Les simples marins arabes discutent avec les Malais, qui eux-mêmes parlent aux Chinois. Des connaissances plus ou moins farfelues circulent ainsi. Les simples matelots extrapolent souvent et font naître de terribles ou merveilleuses légendes. En 956, le Livre des Merveilles de l'Inde amalgame toutes les légendes terrifiantes qui circulent dans l'Océan Indien, où des marins affirment souvent avoir croisés des animaux étranges. Un des mythes les plus vivaces est celui de îles Waq-Waq, qui perdure du IXème au XVIème siècles. Mais durant cette période, la localisation de ces îles imaginaires que l'on dit couvertes d'or change beaucoup : elles sont tantôt placées en Corée, dans les marges pacifiques des Philippines ou sur les côtes de Madagascar.

Les légendes, mais aussi les connaissances nautiques et bien entendu les techniques de construction navale vont être durablement bouleversées avec l'irruption dans l'Océan Indien d'un nouveau peuple au XVIème siècle : les Portugais.

1 commentaire:

  1. toujours aussi interressant!!
    les portugais arrivent donc les premiers? avant les espagnols?
    les malgaches ne sont pas un peuples tournées vers la mer?

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