jeudi 12 février 2009

Navigateurs arabes et persans dans les îles

carte de 1556




Zanzibar et les îles d'Afrique au Moyen-Age






Depuis toujours, l'Océan Indien est sillonné par plusieurs peuples. Dans la seconde moitié du Moyen-Age européen, les îles de la côte africaine, autour de Zanzibar, se trouvent au coeur d'un vaste trafic avec le Moyen-Orient, l'Inde, la Malaisie et la Chine, grâce à des navigateurs et marchands arabo-persans.





Les Arabes commencent à naviguer assez tard. Ils ne se lancent véritablement qu'après être devenus musulmans, au VIIIème siècle. Mais ces navigateurs omanais ou yéménites prennent très vite de l'assurance et voyagent très loin, jusqu'à Madagascar au sud et jusqu'à Ceylan à l'Est. Au Xème siècle, le géographe Al-Massoudi écrit que des Omanais vont chercher de l'or et des esclaves dans plusieurs ports et îles qui s'échelonnent le long de la côte africaine au sud de Mogadiscio. Certains font la navette avec leur terre d'origine mais d'autres s'installent à demeure dans les îles de Zanzibar, Pemba ou même Mozambique.


Mais si les Arabes ont souhaité s'aventurer en haute mer, c'est sans doute sous l'influence des Persans. Ceux-ci sont en effet d'excellents marins au long cours, et ce depuis l'Antiquité. Ils sont allés explorer les rivages de l'Océan Indien, de l'Afrique à la Malaisie, bien avant les Arabes. Un certain nombre de de toponymes seraient d'ailleurs d'origine persane, comme Zanzibar - dont l'origine du nom reste disputée mais si elle n'est pas persane elle est arabe. A Mohéli, la plus petite des Comores, on peut encore admirer des ruines chiraziennes.
L'activité principale de ces navigateurs est le commerce. Les échanges ont lieu le long de routes commerciales bien organisées. Jusqu'au Xème siècle, les navires appareillent généralement du Golfe Persique mais à partir du XIème siècle on lui préfère la Mer Rouge, pourtant très dangereuse. Aden prend alors un essor considérable, même si les vents sont variables et les récifs traîtres, ce qui rend la navigation très difficile. La route africaine, une fois les périls de Socotra passés - voir plus loin - est en fait un long voyage de cabotage de port en port : Mogadiscio, Malindi, Mombasa, îles de Pemba, Zanzibar et Mafia, Kilwa d'où l'on peut bifurquer vers les Comores et le Nord-Ouest de Madgascar ou continuer plus au Sud vers l'île de Mozambique puis Sofala, au sud du fleuve Zambèze. Kilwa est l'escale principale. De toutes les routes commerciales qui sillonnent l'Océan Indien, c'est celle d'Afrique qui a les faveurs des Arabes. Il faut dire que les peuples autochtones ne constituent pas des concurrents alors que cette région regorge de richesses recherchées partout ailleurs. De plus, les Bantous n'ayant pas la même échelle de valeur que les Arabes, ceux-ci échangent des produits valant jusqu'à dix fois moins que ce qu'ils viennent chercher. Les Arabes et Persans viennent essentiellement en Afrique s'approvisionner en esclaves et en or. Avec les Africains de l'intérieur, ils échangent à Mozambique ou Sofala de la verroterie contre de l'or. Ils achètent également des peaux, des plumes, de l'ivoire et même de l'encens qu'ils échangent contre des cotonnades venues d'Inde. C'est surtout à partir du XIIIème siècle que les îles et les ports deviennent véritablement florissants. Zanzibar, grand port d'esclaves, devient très prospère au XIVème siècle lorsque des Omanais qui s'y sont installés hissent l'île au rang de Sultanat. L'île va alors dominer toute la région pour plusieurs siècles. Vite enrichis, les Arabes installés à Zanzibar se font livrer de l'argent, des tissus d'Asie, des clous de girofle des Moluques, du poivre et du gingembre d'Inde, ainsi que des bijoux, des perles, des rubis. Tout est importé à grands frais et témoigne d'une véritable opulence.
Cette intense activité commerciale entraîne logiquement la naissance d'une autre activité : la piraterie ! Les navires qui descendent vers la côte orientale d'Afrique ont à affronter une des zones de piraterie les plus redoutable : les parages de l'île de Socotra. Située au nord de la Somalie, juste à l'entrée de la Mer Rouge mais aussi sur la route entre le Golfe Persique et l'Afrique, cette île est un repaire de pirates chrétiens à qui il est difficile d'échapper. Plus au sud, ces sont les Indonésiens, installés vers le VIème siècle à Madagascar et qui deviendront les actuels Malgaches, qui pillent les navires osant s'aventurer jusqu'aux Comores et au Canal de Mozambique. Un peu plus tard, vers le XVème siècle, lorsque les Arabes sont biens implantés dans les îles du sud de l'Océan Indien, des pirates arabes font leur apparition et hantent les eaux comoriennes.
L'installation des Arabes et Persans, musulmans, dans les îles de la côte d'Afrique, entraîne un bouleversement culturel. Un certain nombre d'entre eux mène la guerre sainte contre les Zanj, les Noirs de l'intérieur, mais également contre les Indonésiens hindous installés à Madagascar. Mais d'une manière générale, c'est à un formidable et progressif brassage culturel que l'on assiste dans la région. Les commerçants musulmans s'acculturent autant qu'ils influençant les peuplent autochtones. Dans les îles de la côte d'Afrique et des Comores, c'est ainsi que naît la culture métissée swahili qui, en arabe, signifie "de la côte". Cette langue est très imprégnée de la langue arabe mais c'est certainement dans les termes maritimes que la prégnance arabe est la plus forte. Cependant, cette région s'islamise plus encore qu'elle ne s'arabise. Très tôt, les conversions et les mariages mixtes, tant à Zanzibar, Pemba, Mafia que dans les Comores, bouleversent les sociétés bantoues. A Zanzibar, la mosquée de Kazimkazi, construite vers l'an mil, témoigne encore de cette précoce islamisation et celle de Dimbani, construite en 1107, révèle l'implantation persane. Ibn Battûta, grand voyageur du début du XIVème siècle, est très heureux de découvrir des coreligionnaires tout le long de la côte africaine.
à suivre...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire