jeudi 5 février 2009

Les mines de Bavatoubé

La tragédie de la mine de Bavatoubé


village près de Bavatoubé en 1863 (Désiré Charnay) BNF



Bavatoubé est situé au fond d'une petite baie malgache, qui fait face à la fameuse île de Nosy-Be. En 1853, un Bordelais installé à l'île Maurice depuis plus de dix ans, Darvoy, décide de créer une société pour exploiter une veine de charbon qui a été découverte à Bavatoubé. A cette époque où la marine à vapeur connait un grand essor, l'absence de charbon dans le sud de l'Océan Indien - il faut s'approvisionnier en Afrique du Sud ou en Australie - est un grand frein au développement de la navigation dans les îles. Darvoy s'associe avec plusieurs colons français installés à Nosy-Be, jeune colonie française. Il s'allie également avec deux autres français installés comme à Port-Louis - Menon et Lambert - qui possèdent des navires capables d'exporter le charbon malgache vers Maurice. Le problème est que Bavatoubé est situé sur la Grande Terre malgache et relève donc théoriquement de l'autorité de la reine de Tananarive, même si l'autorité de celle-ci est contestée localement par le peuple sakalave. Quoi qu'il en soit, c'est une terre étrangère et non une colonie.
Malgré tout, Darvoy décide de s'installer au début de l'année 1855. Il débarque avec son fils, un contre-maître mauricien et surtout plus de 170 travailleurs engagés, pour la plupart originaires du Mozambique, ainsi que quelques Malgaches de Nosy-Be. Il construit un véritable petit fortin pour se protéger d'éventuelles incursions malgaches, fait réveiller ses travailleurs tous les matins au son du canon et commence l'extraction du charbon.
La reine Ranavalona, très crainte des Européens, fait dire à Darvoy et ses partenaires que leur installation est illégale et qu'il doit s'en aller, sous peine de représailles. Cependant Darvoy n'en a cure et continue son exploitation, faisant venir jusqu'à 200 travailleurs qu'il mène d'une main de fer, comme sur un camp militaire. Il fait même hisser le pavillon français pour fêter la victoire de Napoléon III à la difficile bataille de Sébastopol contre les Russes, en Crimée. Pour la reine, c'est un acte de défi. Ranavalona, très hostile aux Européens et bien décidée à ne pas laisser annexer ainsi une partie de son île, lance alors une expédition sur Bavatoubé. Darvoy reste incrédule, car il sait que les armées de la reine sont malvenues dans la région, qu'elles contrôlent mal.
C'est donc une grande surpise lorsque l'exploitation minière est attaquée, au matin du 19 octobre 1855. Le travail vient tout juste de commencer dans le petit matin naissant lorsque l'assaut est donné par les Malgaches. C'est aussitôt un véritable carnage. 90% des Mozambicains sont tués ainsi que quelques travailleurs malgaches. Mais c'est surtout Darvoy qui intéresse l'armée de Tananarive. Dès le début de la fusillade, il reçoit une balle en pleine tête. Cependant il ne meurt pas sur le coup et réclame sa Bible à un Français employé sur le site, qui n'a pas encore fui. Lorsque l'armée pénètre dans le camp en flammes et empli de cadavres, elle découvre Darvoy encore en vie. Il est alors traîné tout autour des ruines du fortin et succombe finalement à ses blessures. Ainsi disparaît celui qui a cru pouvoir affronter la reine de Madagascar.
Parmi les rescapés, quelques-uns s'enfuient à la nage en direction de Nosy-Be et sont recueillis en mer par le navire Etincelle. Quelques-uns sont faits prisonniers et emmenés à Tananarive. Les Mozambicains sont réduits en esclavage tandis que Lambert doit intervenir auprès de la reine pour faire libérer le seul prisonnier français.
Quelques années plus tard, Menon, un des anciens associés de Darvoy, pensera à faire revivre l'exploitation, en vain. Lorsque Madagascar devient une colonie française, en 1896, certains se souviennent de l'histoire et tentent de rouvrir la mine. Cependant on s'aperçoit bien vite que ce qui était présenté par Darvoy comme un formidable filon n'est en fait qu'un affleurement vite épuisé....

1 commentaire:

  1. Merci pour cet intéressant et très instructif article !

    GeneaDarvoy
    http://www.genedarvoy.fr

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