samedi 7 février 2009

Le dépôt d'engagés des Seychelles


Le sauvetage d'esclaves aux Seychelles


Au XIXème siècle dans l'Océan Indien, le Royaume-Uni puis la France et en dernier lieu le Portugal, abolissent la traite puis l'esclavage. Cependant, d'autres nations voisines continuent à pratiquer le commerce d'esclaves, en particulier les Arabes, Swahili et Malgaches. Les Anglais se donnent alors pour mission de lutter contre ce fléau et de libérer les esclaves. Mais cette libération est toute relative, dans la mesure où les esclaves ne revoient jamais leur terre natale mais sont débarqués aux Seychelles....


Comme la France à la même épqoue, la Grande-Bretagne est confrontée au manque de main d'oeuvre pour ses colonies depuis que l'esclavage a été aboli, en 1833. Il faut donc recruter à grands frais des engagés, en particulier en Inde. Cela fonctionne bien pour l'île Maurice qui est prospère grâce au sucre au milieu du XIXème siècle. Mais les Seychelles ne peuvent se permettre pareille dépense et se retrouvent dans une situation délicate. Cependant, les Britanniques ne se trouvent pas à cours d'idées et décident d'allier action humanitaire et affaires.

Les navires britanniques profitent de la position centrale des Seychelles pour croiser au large de l'archipel et intercepter les boutres négriers qui naviguent autour de Zanzibar ou montent jusqu'en Arabie. Les officiers britanniques laissent l'équipage rentrer chez lui mais confisquent systématiquement les esclaves, qu'ils "libèrent" et conduisent au dépôt des Seychelles. Là, les anciens esclaves sont contraints de signer un contrat d'engagement à long terme - en général 10 ans - puis ils sont cédés à bas prix à des colons seychellois ou même mauriciens si besoin, ou encore ils sont affectés aux travaux publics de la colonie.


Le dépôt de Mahé, créé en 1861, n'est pas le seul. Les Anglais débarquent aussi des esclaves libérés à Aden, Anjouan, Bombay puis à Lourenço-Marquez au Mozambique et à Mombassa. Cependant, le dépôt de Mahé est de loin le plus important. En moins de dix ans, environ 2500 esclaves sont ainsi envoyés au dépôt des Seychelles. Ensuite, le dépôt est transféré en Afrique même car il devient trop exigu. C'est grâce à ces arrivées massives que l'archipel se développe en quelques années : coco, tabac, sucre et café, les productions agricoles permettent même aux Seychelles de s'affranchir de la tutelle de Maurice en 1871 et de devenir une colonie à part entière.


Ce système de recrutement est le plus économique qui soit puisqu'il ne coûte rien, ce qui permet aux autorités anglaises de céder les contrats à moins de 38 francs en 1869 d'après l'enquête d'un officier français, tandis que les contrats d'engagement ont coûté jusqu'à 800 francs à La Réunion ! De plus, la Couronne britannique peut s'enorgueillir aux yeux du monde d'un acte hautement philanthropique !


Bien entendu, lorsque les Français découvrent cette méthode, ils sont fous de rage et de jalousie et dénonçent la duplicité des Anglais. Ils accusent les Britanniques, sous couvert de lutter contre la traite, d'en profiter largement, ce qui n'est pas faux. Les boutriers arabes ne s'y sont pas trompés non plus qui maudissent ces voleurs d'esclaves. Les Français pensent bien à imiter leurs rivaux mais ils ne possèdent pas de flotte militaire aussi importante et ne sont guère craints sur les mers.... Certains tentent alors d'aller négocier des engagés aux Seychelles mais les Anglais refusent catégoriquement les cessions hors des colonies britanniques.


Ce trafic peu glorieux ne cesse qu'avec la fin de la traite maritime arabe dans les années 1880. Quoi qu'il en soit, les plantations seychelloises, et dans une moindre mesure mauriciennes, auront bien profité de cette manne humaine.

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